Pandémie de Covid-19 et système électoral : le cas de la République centrafricaine
Pandémie de Covid-19 et système électoral : le cas de la République centrafricaine
Demandeur / partenaire :
Conférence épiscopale centrafricaine (demandeur) / Conférence épiscopale nationale du Congo (partenaire)
Experts principaux:
Alain J. Sigg
Katharina R. Vogeli
Luca Willig
Résumé:
La pandémie de Covid-19 menace l’échéancier électoral, par exemple en RCA : si les échéances des scrutins ne sont pas respectées, un vide juridico-constitutionnel menace un équilibre encore fragile, surtout dans les pays issus d’une transition politique. La violence électorale est à craindre.
CatImpact propose des solutions novatrices, inspirées des expériences de ses experts, notamment en RDC, en Jordanie, en Bosnie Herzégovine et/ou en Afrique du Sud. Le projet élabore un distinguo entre un plan A gouvernemental et, en cas d’échec dudit plan A, un plan B d’une troisième voix sous l’égide d’une plateforme interreligieuse. Cette plateforme s’inspire des dialogues nationaux dans divers pays à l’aube d’une transition politique.
Objectif atteint / finalité:
- Mise en réseau Sud-Sud entre la RCA et la RDC : dialogue entre les plateformes religieuses et entre les conférences épiscopales.
- Distinction entre observation électorale court terme et observation en amont des scrutins : fichier électoral, découpage des circonscriptions : rétablir la confiance des électeurs envers le système électoral et, par effet connexe, la confiance entre électeurs et élus.
Les dommages collatéraux – et pervers – de la pandémie de Covid-19 sur les systèmes électoraux : le cas de la République centrafricaine.
CatImpact fut contacté dès l’été 2020 par la Conférence épiscopale centrafricaine (CEC) suite, d’une part, aux périls socio-politiques liés au non-respect de l’échéancier électoral de 2020 et, d’autre part, à l’avis défavorable de la Cour constitutionnelle du 5 juin 2020 relatif à la révision de certains articles de la Constitution du 30 mars 2016. La CEC était bien sûr fort inquiète pour les citoyennes et citoyens du pays en cas de vide constitutionnel dû au non-respect des échéances électorales et des possibles violences y afférentes.
Le problème posé était est demeure le suivant : le premier tour de l’élection présidentielle, couplé aux élections législatives, est agencé le 27 décembre 2020. Au vu de la pandémie de Covid-19, il est toutefois à craindre que le scrutin ne puisse pas avoir lieu à la date précitée, compte tenu notamment à l’impossibilité de mettre à jour le fichier électoral dans un délai raisonnable avant le scrutin[1]. Or, déjà « avant la pandémie du Covid-19, il y avait une situation exceptionnelle avec [… ] un fichier électoral en lambeaux, des dizaines de milliers de cartes d’électeurs disparues ou falsifiées à grande échelle[2] »
Comme la Constitution interdit une quelconque prolongation du mandat présidentiel au-delà de son terme, l’Assemblée nationale saisit au mois de mai la Cour constitutionnelle en vue d’une révision de la teneur des articles concernant l’interdiction de la prolongation précitée. La Cour Constitutionnelle refusa cependant d’entrer en matière dans son avis susmentionné du 5 juin 2020[3]tout en préconisant, « au vu du vide juridique constaté », une « concertation nationale » en vue d’une « solution consensuelle » pour une sortie de crise[4].
Partenariat au sein de la Plateforme Interconfessionnelle Dignité et Paix – Grands Lacs
Après de multiples échanges en visioconférence avec la Conférence épiscopale centrafricaine, CatImpact prit très vite contact avec la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) afin de conseiller au mieux la CEC, anxieuse quant à l’avenir du pays et de ses citoyens.
Si la CEC fit appel à CatImpact Sàrl c’était dans le contexte de la Plateforme Interconfessionnelle Dignité et Paix – Grands Lacs (PIDP-GL) qui fut créée à La-Tour-de Peilz, en Suisse, le 1er novembre 2019 [5]. Plusieurs membres de CatImpact avaient déjà accompagné la Conférence épiscopale nationale congolaise CENCO dans ses efforts pour éviter les violences sanglantes à l’approche des élections en RDC. CatImpact fut à l’origine de l’initiative menant à la création de l’IPDP-GL conjointement avec la CENCO. CatImpact jouit donc d’une très grande confiance de la part de ses partenaires précités et a été retenue en tant que conseiller stratégique.
L’objectif de l’IPDP-GL, composé des hauts dirigeants des principales communautés religieuses de la région des Grands Lacs, est de renforcer et de soutenir les plateformes nationales interconfessionnelles dans leurs efforts pour prévenir ou transformer les conflits. Cela peut se faire par le biais de conseils et/ou de formations ainsi que par la promotion du dialogue au sein des pays ou de la sous-région. Il est donc bien dans le mandat, à la fois de CatImpact et de l’IPDP-GL (représenté par le Secrétaire Général de la CENCO, l’Abbé Donatien Nshole) de fournir des conseils et une assistance à la Plateforme Interconfessionnelle de la République Centrafricaine au nom de laquelle la Conférence Episcopale Centrafricaine leur a tendu la main.
Les réflexions stratégiques pour éviter la violence liée aux élections
Lors des nombreuses concertations conjointes entre CatImpact, la CENCO et la CEC, CatImpact a pu mettre l’expérience de ses membres au service de la CEC et de la Plateforme Interconfessionnelle Centrafricaine. Parmi les pistes recommandées, nous retiendrons l’importance pour la Plateforme centrafricaine d’établir une stratégie de communication qui explicite régulièrement que les autorités religieuses ne peuvent en aucun cas se substituer aux autorités électorales et administratives – mêmes défaillantes – de la Centrafrique. Il s’agit de ne pas générer de fausses attentes au sein de la population, surtout dans les zones où l’administration de l’État est faible, voire inexistante.
Les autorités religieuses pourront toutefois élaborer un plan B qui constituerait une nouvelle base opérationnelle alternative, le cas échéant, si le plan A des autorités s’avèrerait impraticable. Ledit plan B tiendrait précisément compte de l’avis précité de la Cour constitutionnelle et tisserait un réseau de divers acteurs représentatifs qui témoigneraient d’une véritable concertation nationale en vue d’un consensus. Afin d’élaborer un tel plan B consensuel, la Plateforme centrafricaine, sous le leadership de la CEC, veillera à élargir la plateforme religieuse au-delà des confessions religieuses afin de créer ainsi une 3ème voix non partisane, une alternative bienvenue au dualisme classique entre gouvernement et opposition. Une société civile indépendante pourra s’avérer un partenaire précieux pour les confessions.
Pour parvenir à un consensus, la Plateforme définira des thèmes prioritaires qui fédèreront les différentes croyances, mouvances, voire idéologies : par exemple l’éducation électorale, l’éducation citoyenne, l’éducation tout court. Une médiation s’avérera vraisemblablement incontournable afin de mettre les différentes opinions au diapason, et CatImpact pourra en assurer le soutien, le cas échéant, fort de son expérience en RDC.
Par ailleurs, à l’instar du processus électoral en République démocratique du Congo, les autorités religieuses organiseront – sous l’égide ou non de la CEC – une observation électorale en amont du scrutin. En effet, si l’observation électorale de type court terme autour du jour même du scrutin se professionnalise, l’observation en amont, avant le scrutin, demeure le parent pauvre, souvent dû à l’absence d’une réelle volonté politique d’octroyer un tel mandat d’observation bien avant le scrutin. En effet, la période avant le scrutin permet de multiples fraudes, notamment lors de la mise à jour du fichier électoral, lors de l’enregistrement des électeurs ou encore lors du découpage électoral.
[1] Loi n°19‐0011 du 20 août 2019 portant Code électoral de la République Centrafricaine, art.18 : La liste électorale est permanente et fait l’objet de révision avant toute élection […].
[2] Mondafrique.com, 23 mai 2020
[3] Art. 8
[4] Art. 9, interdisant par ailleurs l’instauration d’une « transition politique » qui nécessiterait une révision prohibée par la Constitution
[5] Voir projet Plateforme Interconfessionnelle Dignité et Paix – Grands Lacs